« En prenant la décision l’interdire l’entrée par voie terrestre sur le sol haïtien de 23 produits dominicains, le pays ne fait que protéger ses intérêts », déclare le ministre du Commerce et de l’Industrie, Jude Hervey Day. Le ministre, qui parlait au nom du gouvernement haïtien, a laissé entendre qu’il n’y aura pas de retrait concernant cette décision, malgré la plainte des autorités voisines auprès de la plus haute instance du commerce mondial. Pour M. Day, contrairement aux allégations du chancelier dominicain Andrés Navarro, cette mesure n’est pas discriminatoire.
Les points frontaliers, confie Jude Hervey Day, n’ont jamais été la voie idéale pour le commerce entre les deux pays. Par cette décision, les autorités gouvernementales ont jugé bon de retourner à la case départ. Elle vise, poursuit le titulaire du MCI, à renforcer et à améliorer la situation fiscale du pays. « Cette mesure n’interdit pas les échanges commerciaux entre les deux républiques. Il s’agit, par ailleurs, d’imposer un contrôle sur les produits en provenance de la partie Est.
Le ministre de la Communication, Mario Dupuy, abondant dans le même sens, laisse entendre que le pays ne peut plus continuer à faire des échanges avec la République dominicaine par voie terrestre. La frontière, explique-t-il, est très poreuse. Ainsi, les pertes enregistrées sont, dit-il, vraiment énormes. « Les pertes au niveau de la frontière s’élèvent à plus de trois cents millions de dollars américains annuellement », ont annoncé les deux ministres qui réagissaient à la plainte de la République dominicaine auprès de l’Organisation mondiale du commerce.
Le gouvernement, poursuivent les deux officiels, n’entend pas se rétracter. Par cette mesure, le pays n’a enfreint aucune loi. Il revient aux autorités du pays voisin de s’accommoder et de faire en sorte de livrer les marchandises par voies maritime et/ou aérienne.
L’objectif est de récupérer une partie de la somme non perçue au niveau des points frontaliers. Jude Hervey Day avance plusieurs causes à cet état de fait. La contrebande organisée, la fausse déclaration sont, explique-t-il, les plus fréquentes. Des mesures sont en train d’être prises afin de recevoir les flux de marchandises en provenance de la partie Est de l’île. Ce qui permettra à l’État de récupérer au fur et à mesure, une partie de cette somme volatilisée.
Cette mesure demeure une nécessité. Plus qu’une décision économique, elle fait partie des multiples mesures adoptées par l’équipe en place pour protéger la population. Ce faisant, les officiels croient que le pays aura plus de moyens de financer son budget sans prendre en compte l’aide internationale qui ne cesse de diminuer. « Il est inconcevable de continuer à solliciter 70 à 80 millions de dollars de la communauté internationale tout en laissant se volatiliser plusieurs centaines de millions au niveau de la frontière », argumente le ministre du Commerce et de l’Industrie.
Les deux républiques sont sur le point de mettre un terme à un dialogue de sourds qui dure déjà trop. La République dominicaine ne cesse de peser sur l’accélérateur afin de faire fléchir Haïti. Le commerce est la seule arme valable que peut utiliser Port-au-Prince face aux agissements des autorités dominicaines. La décision d’interdire l’entrée par voie terrestre des 23 produits dominicains ne fait qu’envenimer les rapports entre les deux États. Le gouvernement ne compte, selon toute vraisemblance, pas se rétracter. Une rencontre devait se tenir ce mardi entre le président d’Haïti, Michel Joseph Martelly, et son homologue dominicain, Danilo Medina, afin de trouver une issue favorable.